La fin des règles

Mon espace caché pour penser, au calme. Une newsletter chaque week-end (ou presque:)

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Par Aude Hayot
1 mai · 7 mn à lire
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Est-ce que les hormones nous volent notre âme ?

Voici ce qu'écrit magnifiquement Elise Thiébaut : "La ménopause est une danse plus ou moins harmonieuse, plus ou moins co(s)mique, une traversée des apparences parfois, aussi, une épreuve. La considérer à partir de ses prémices ne lui rend pas justice."

Bonjour à tous,

Merci à tous ceux qui nous rejoignent !

Aujourd’hui je voudrais vous parler de “Ceci est mon temps”. Dans ma chambre d’écho personnelle, c’est un essai littéraire dont on parle beaucoup et qui a été très bien accueilli par la critique. Le sous titre : Ménopause, andropause et autres aventures climatiques vous fait bien comprendre que l’on y parle de mes sujets de prédilection et l’autrice livre une portrait très sincère de sa propre ménopause.

Cela devrait être assez simple somme toute de vous parler d’un livre que j’ai adoré. Mais avec celui d’Elise Thiébaut, ça ne l’est pas du tout. Si vous le permettez, je vais chercher avec vous pourquoi.

Déjà, il faut admettre que l’on s’est un peu pris le bec sur Linkedin il y a plusieurs mois.

Mais parlons d’abord ce qui m’a touchée dans ce livre :

Il y a la façon dont elle parle de son corps :
Elise aujourd’hui habite un corps qui n’a plus rien de commun avec celui qu’elle a toujours connu. “Nue, avec un ventre rebondi, des cuisses fortes et des seins lourds, je découvre un corps autochtone.” Un corps qui est devenu massif, avec des cuisses épaisses. Et plutôt que de s’en plaindre ou de l’accepter avec fatalisme, elle l’explore, elle devient la personne qui habite un tel corps.
Voilà c’est ça, ce que j’ai ressenti c’est que ce n’était pas son esprit qui dictait qui elle devenait mais son coprs qui lui indiquait qui être. Je ne sais vraiment pas ce qu’Elise penserait de ce que je suis entrain d’écrire.
En lisant son livre, je visualisais une forêt pleine d’elfes, des rochers, des ruisseaux. Je rentrais dans un imaginaire peuplé de vieilles femmes qui rient en soulevant leur jupe pour montrer leur vulve.

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de découvrir une signification nouvelle à un élément banal ? Ce moment que l’on vit comme une épiphanie quand un sens nouveau émerge. Un peu comme si tu découvrais une image nouvelle dans un tableau qui t’es familier, quelque chose que tu n’avais jamais vu avant et que tu ne peux plus ne pas voir maintenant.

Venus était ménopausée

Et bien, les Venus, les statuettes anciennes que l’on a toujours considérées comme des déesses de la fécondité, elle nous invite à les voir comme des femmes ménopausées. Un culte à la vieillesse au féminin. Elles représentent pour Elise les corps des chamanes, des femmes mures auprès de qui “on apprend que ce qui détermine nos chemins dans la vie, ce n’est ni la force, ni les certitudes, mais nos vulnérabilités, nos faiblesses, notre fugace présence au monde.

C’est ce renversement de ma vision du monde qui m’a fascinée dans ce livre. En une fraction de seconde, un monde de sens qui t’explose au visage. Le cerveau au bord de l’orgasme quand il se prend en pleine face une nouvelle dimension du réel.

Mais il y a aussi dans ce livre, un ton qui m’a dérangée. C‘est le ton moqueur qu’elle adore prendre pour raconter l’histoire des tentatives médicales qui nous paraissent aujourd’hui mi-fantaisistes mi-criminelles.
Elle raconte ce médecin qui greffait des testicules de singe pour redonner leur érection aux hommes dans les années 30 en se moquant de la crédulité avec laquelle on espérait obtenir des résultats en transgressant la barrière des espèces.

Pourtant il me semble qu’aujourd’hui on greffe des coeurs de porc, non ?

Autre moquerie, le titre du premier chapitre : “Et l’homme créa la ménopause”. Oui c’est un homme qui a façonné ce terme. C’était en 1821 et le Monsieur s’appelait Charles de Gardanne. Mais on pourrait aussi, comme le choisit une autre autrice, Sophie Kune, se dire que ce médecin a “créé ce néologisme” pour “poser un cadre apaisant autour de cette étape de vie stigmatisée” (extrait de Ménopausée et Libre, 2021)

Ensuite sur le plan scientifique, l’ouvrage parait écrit avec beaucoup de sérieux et un fort attachement à la vérité scientifique. Pourtant, il n’en est rien. En ce qui concerne l’histoire du traitement hormonal, elle s’arrête à 2003, soit l’année qui a suivi les résultats (mal interprêtés) de l’étude WHI qui a mis un coup d’arrêt injustifié à la prescription du traitement hormonal de la ménopause. 20 années d’études scientifiques sont ainsi niées, celles de 2002 à 2024, qui ont pourtant réhabilité le THM.

Rester belle pour son âge

Ce que je comprends c’est qu’elle a peur que le traitement hormonal nous vole à nous-mêmes. Que nous soyons empêchées d’oser plonger dans un fleuve tumultueux dans lequel on n’a pourtant aucun risque de se noyer, seulement celui de devoir nager dans une eau qui serait trop froide ou poisseuse ou qui empêcherait nos mouvements.

Mais qu’une fois de l’autre côté, on accède pleinement à nous-mêmes en tant que femmes. Notre corps n’a plus rien de désirable et c’est un service qu’il nous rend, notre silhouette devient invisible pour les autres et c’est pour que nous puissions passer plus de temps en la meilleure des compagnies : nous-mêmes.

Et en refermant ce livre, je me suis dit : et si elle avait raison ? Si le traitement hormonal agissait sur nouscomme une péridurale ? Je parle de péridurale car dans un entretien récent avec Florence Hendel elle parlait du “rapt de la puissance des femmes” que représentait l’anesthésie pendant l’accouchement.

Mais en somme si le THM était quelque chose qui nous prive d’un mal pour un bien ? Qui nous fait rester éternellement du côté de celles qui veulent à tout prix rester “encore belles pour leur âge” ?

Dans les dernières pages, elle écrit :

La ménopause est une danse plus ou moins harmonieuse, plus ou moins co(s)mique, une traversée des apparences parfois, aussi, une épreuve. La considérer à partir de ses prémices ne lui rend pas justice. Il faut la regarder dans toute son amplitude, parce qu’elle nous enseigne la beauté de la vie et de ses cycles, quand bien même cette beauté ne se verrait pas toujours à l’oeil nu.

En fait je me rends compte que chacune de nous parle à partir de son expérience.

Moi je suis obnubilée par l’osteoporose et la meilleure réponse c’est le traitement hormonal.
Elise a souffert d’endométriose et en veut à tous les médecins de la terre de l’avoir si mal accompagnée. Elle explique dans le livre que même les traitements à l’oestrogène locaux qui habituellement n’ont aucune incidence chez une femme souffrant d’endométriose, chez elle ont réussi à réveiller les lésions.
Marjorie que j’ai interviewée récemment ne veut pas “bousiller” son corps avec des hormones au point d’en faire un exczéma parce qu’elle a peur du cancer du sein. Mais elle ne sait pas que les hormones se contentent de révéler un cancer un prééxistant. Et que le THM améliore les chances de survie.

Je repose donc la question. Et si Elise Thiébaut avait raison ? Et comment répondre à cette question ?

Interroger celles qui le prennent et celles qui ne le prennent pas et sentir ce que cela change à leur être profond ? Elise Thiébaut n’a pas besoin de décrédibiliser la prise d’hormones pour que son propos soit entendu.

Des symptômes annonciateurs de maladies

Pour les femmes qui ressentent des symptômes, les bénéfices pour la santé à long terme et la qualité de vie sont réels. Ce que l’on comprend aujourd’hui, c’est que les inconforts et les symptômes que l’on ressent à la ménopause sont plutôt à voir comme annonciateurs de possibles maladies futures que le THM peut éviter, voici quelques exemples :

  • Les bouffées de chaleur, quand elles sont précoces et permanentes augmentent le risque cardio-vasculaire de 70 %

  • Les suées nocturnes sont précureurs du diabète de type 2

  • La sécheresse vaginale ouvre la voie aux cystites à répétition

  • Les insomnies peuvent annoncer une future depression

  • Les douleurs articulaires sont annonciatrices de l’osteoporose

  • Et en ce qui concerne Alzheimer, aujourd’hui les études se contredisent, mais on saura sans doute bientôt si les oestrogènes protègent effectivement de la démence

  • Enfin, le traitement hormonal réduit la mortalité du cancer du sein de 50 % par rapport à une femme qui ne le prend pas

J’aime la pensée d’Elise qui nous avertit qu’à trop se focaliser sur le médical, on en perdrait la connexion à soi, quelque chose d’infiniment subtil et que son livre rend si bien. Je ne sais pas si c’est réel ou pas mais je ne veux pas y sacrifier la santé des femmes.

J’ai eu Elise Thiébaut au téléphone avant l’été (je voulais l’inviter dans le podcast) et elle m’a décrit l’ouvrage sur lequel elle travaillait d’une manière que je n’ai pas retrouvée dans son livre.
Voici ce qu’elle m’a dit : si on ne parlait pas de la ménopause auparavant (je l’ai compris comme durant les 30 derniers siècles) c’est parce que les femmes n’avaient pas de symptômes. Aujourd’hui c’est la planète qui est en ménopause, les symptômes que vivent les femmes sont pénibles parce que la planète est déréglée. En vérité, ils ne devraient pas l’être.

Peut-être qu’Elise a trouvé des éléments qui infirmaient cette théorie et qui l’ont empêchée de la garder pour le livre, c’est dommage parce qu’elle me plaisait bien.
Cela allait dans le sens de ce que j’écrivais plus haut : pour les femmes qui ont une bonne hygiène de vie avec du sport, une bonne nutrition et pas de symptômes apparents, elles n’ont pas besoin du traitement hormonal. Mais de combien de femmes parle-t-on ? Peut-être un quart au maximum ?

Aujourd’hui j’observe que les féministes se pâment devant Elise Thiébaut et je me dis qu’elles pourraient aussi se pâmer devant Dr Mouly, un gynécologue très actif dans les médias pour réhabiliter le traitement hormonal de la ménopause. Vous vous souvenez de l’invité de Pascal Praud en octobre dernier qui avait été la risée générale ?
C’est sans doute un peu de la provoc de ma part de citer Dr Mouly parmi les nombreuses figures qui se battent pour la santé des femmes. Je pourrais citer Dr Letombe par exemple que j’ai interviewée et de nombreuses autres dont je vous parlerai bientôt.

Reste que celui dont le livre tapisse les murs du métro parisien depuis deux mois c’est le sien. Et ce n’est sans doute pas anodin dans cette société toujours aussi patriarcale s’il faut un homme pour faire bouger les consciences.

Affiche dans les escaliers du métro parisienAffiche dans les escaliers du métro parisien

Qu’on le veuille ou non, je crois que c’est pour ça que le message passe.

Une dernière anecdote. Atteinte de secheresse vaginale, Elise Thiébaut consulte un médecin qui lui propose un traitement laser. Mais c’est une discussion de sourds qui s’enclenche entre un médecin qui s’imagine qu’elle souhaite faire l’amour avec pénétration et elle qui veut simplement retrouver un confort de vie. La pénétration, Elise s’en contrefout. Elle a fini par repartir sans signer pour le laser et soigne sa vulve à l’huile.
Cela me fait penser à l’épisode avec Carol Burté où elle disait “il faut que le conduit vaginal reste un conduit.” Est-ce qu’elle pensait à la pénétration ? Ou juste à la sécheresse vaginale en disant cela ?

Ce que je garde précieusement avec moi, c’est que ce livre m’a permis de me mettre dans sa peau. Ce corps lourd et pourtant évéillé à toutes les sensations. Cette vie lente, plus près de la nature et plus près aussi des générations de sorcières qui nous ont précédées.

Je me sens tellement proche d’Elise Thiébaut dans sa quête de vivre non plus pour l’espèce (comme l’a écrit M Jallon, un confrère de Charles de Gardanne) mais pour l’esprit comme elle le dit. Nous sommes si peu nombreuses à questionner sans relâche les signifiants autour de la ménopause et pour cela quelque chose de puissant nous lie.

Mais j’ai fait beaucoup trop long je m’arrête là pour vous parler maintenant des nouveaux épisodes qui font parfaitement le lien avec ce que je viens de vous dire.

L’andropause de Rémy

Je ne pouvais pas rêver de meilleur invité pour parler d'andropause.

Sueurs nocturnes, bouffées de chaleur, perte de libido, Remy Burkel avait la même liste de manifestations que sa femme. Et s'en est inquiété.

Ce franco-américain raconte dans cet épisode comment son généraliste l'a gentiment renvoyé chez lui avec une ordonnance de Cialis pour soigner ses troubles érectiles. Alors l'andropause, il a décidé d'en faire un documentaire dans lequel il raconte son parcours avec tout son humour. Il est aussi parti à la recherche des rares hommes qui acceptaient de partager leur expérience à visage découvert.

Les questions que je lui ai posées :

Quel est le rôle de l'andrologue ?
Que peuvent apporter les cercles d'hommes ?
Est-ce qu'on peut assumer de ne plus bander ?
Et sa femme, elle en pense quoi ?

Au final, Rémy a choisi de ne pas prendre de testostérone. Après une passe difficile, ses taux se sont révélés normaux et il n’avait pas envie de booster un désir sexuel qui l’aurait déphasé de sa femme.

Photo de Rémy prise par Marc après l'interviewPhoto de Rémy prise par Marc après l'interview

Dr Carol Burté - La testostérone pour retrouver le désir sexuel

Voici un épisode sur un immense tabou de la panoplie du médecin en France : j'ai nommé la testostérone. Pour les femmes.
Cette hormone n'est pas réservée aux hommes ni aux personnes qui désirent changer de sexe. Et elle ne vous transformera pas en un monstre hirsute. Mais quand le traitement hormonal ne suffit pas à rétablir la libido (et que tout se passe bien au sein du couple), la testostérone fait le job.
Est-ce que c'est safe ? J'ai posé la question à Carol Burté, médecin en médecine sexuelle.
Un épisode qui met les deux pieds dans le plat, hyper expert sur un sujet dont personne n'ose encore parler.

Je m’amuse de voir le lien entre les trois sujets de cette newsletter. Dr Burté parle abondamment de l’écart de désir qu’elle observe chez les couples, dans un sens ou dans l’autre.

Elle dit très bien à quel point c’est un sujet à la fois personnel et de couple de décider de ce que l’on souhaite à la fois pour sa santé et pour sa vie sexuelle. Ce qui manque selon elle aujourd’hui c’est l’information. A nous ensuite de décider de ce dont on se saisit - ou pas.

Gapianne - une boutique à vous faire découvrir

J’ai fait partie des toutes premières clientes de ce shop en ligne qui vend des produits autour du bien-être intime. C’était en décembre 2021 soit un an avant que j’aie l’idée de La fin des Règles et je pense que cela a nourri mon imaginaire, en souterrain.

J’avais reçu le petit guide de la masturbation féminine + un thé au CBD pour soulager les douleurs de règles + une crème pour apaiser la vulve. Et à travers ces trois produits, j’avais découvert une façon nouvelle de parler de sexualité : en l’axant sur la santé et le bien-être plutôt que l’érotique ou le médical.

Pour visiter la boutique en ligne c’est par ici.

On y trouve un bilan intime, un quiz vibro (je ne vous dirai pas lequel me correspond 😱), des sex toys etc.

Merci d’avoir pris le temps de me lire. Un mot ou une réaction de votre part me fera extrêmement plaisir. Si vous pensez que cette lettre peut intéresser une personne de votre entourage, s’il vous plait, partagez-là !

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