La fin des règles

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Par Aude Hayot
27 nov. · 3 mn à lire
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Pourquoi seules 5 % des femmes ménopausées ont recours au traitement hormonal de ménopause

ça n'a pas l'air comme ça mais la ménopause aussi à ses sujets clivants, alors j'ai choisi d'en faire un sujet de dissert qui pourrait s'énoncer Traitement hormonal et démocratie. Après dix mois de travail, je me sens prête à l'affronter. Et mes préjugés avec.

Bonjour et bienvenue,

Nous sommes 200 par ici.

Aujourd’hui j’aimerais évoquer le traitement hormonal de la ménopause car je finalise le montage d’un épisode avec le docteur Brigitte Letombe qui sortira prochainement. C’est un sujet sur lequel je me sens prisonnière de mes préjugés - je vais essayer de les dépasser avec vous.

Il y a un an elle a écrit un livre “Femmes réveillez-vous” sous-titré “Stop au gynéco-bashing”.

Le contenu : elle se désole que les femmes délaissent les cabinets de gynécologie pour préférer écouter des influenceuses et se rend compte que sa parole est mise en balance de celle de personnes qui n’ont pas de compétences médicales.

Son livre traite majoritairement de deux sujets : la pilule en première partie, la ménopause en seconde partie.

Dr Brigitte Letombe est une éminente gynécologue, membre du GEMVI, elle prend la parole dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Dans cette interview j’ai essayé de me faire le porte-voix de ces femmes qui délaissent la contraception hormonale (je ne prends plus la pilule), ont vécu une mauvaise expérience chez le médecin (sans me trop forcer, j’ai trouvé des choses à raconter) et n’envisagent pas de prendre le traitement hormonal de la ménopause parce que ce n’est pas “naturel” et que la ménopause “ce n’est pas une maladie” (moi, comme tout le monde, j’ai d’abord envie de faire confiance à mon corps) ou parce qu’elles ont peur du cancer du sein.

Ses contres-arguments :

  • la pilule c’est un ajout d’hormones qui bloquent un processus dans le corps, ça n’est pas comparable au THM qui se contente de remplacer une absence de production

  • le cancer du sein c’est 1 femme sur 8 et ce chiffre a augmenté malgré la chute de prescription du THM ces 20 dernières années. Donc ce n’est pas lié

  • les hormones données en France sont bio-identiques et données par voie cutanée

Ce que j’ai entendu dans les convictions profondes du Dr Letombe c’est qu’elle considère que les féministes aujourd’hui se trompent de combat. Selon elle, les féministes devraient veiller à ce que les femmes puissent vieillir comme les hommes, en “faire autant” que les hommes pour pouvoir lutter à armes égales pour la parité.

Après coup, je me suis dit qu’aujourd’hui les femmes n’ont aucune intention d’en “faire autant” que les hommes, et comptent bien conquérir l’égalité avec un congé menstruel et avec un congé ménopause.

Mais cela ne justifie pas que nous souffrions à ce point.

Et je me demande si tout le problème n’est pas dans le fait de l’envisager comme un “débat”.

J’ai l’impression d’être repartie 20 ans en arrière quand les journalistes organisaient des plateaux avec un membre du GIEC face à une climatosceptique (comme Claude Allègre par exemple). Nous conviondrons ensemble que mettre le changement climatique en débat a fait beaucoup de mal à la planète.

Un exemple : Dernièrement j’ai interviewé Anne Cutaïa, réalisatrice d’un docu sur la ménopause et je lui ai demandé si elle avait hésité à donner plus de place au traitement hormonal dans son docu. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas “rentrer dans le débat” pour un traitement qui n’est pris finalement que par 5 % des femmes.

Reste que ce qui me fait mal ce sont les statistiques. 30 % des femmes sont sujettes à l’ostéoporose. Un poignet qui se casse ou le fameux col du fémur. Et selon le Dr Letombe il y a deux traitements préventifs : une hygiène de vie irréprochable avec notamment la pratique assidue d’un sport qui favorise les microchocs, ou le Traitement Hormonal de la Ménopause.

Vous choisissez quoi ?

Il existe une fracture que je peine à réconcilier entre celles dont je fais partie, qui ont confiance en la médecine, l’industrie pharmaceutique et la démocratie. J’ai bien conscience qu’il reste encore des années de recherche devant nous pour maîtriser au plus juste ce fameux THM mais les centaines d’études existantes me suffisent à valider son intérêt.

Et puis les autres femmes auxquelles mon travail s’adresse, qui ne pointent que les études à charge et voient les femmes comme des portefeuilles faits pour engraisser “les labos”. Alors que moi je les vois comme des béta-testeuses d’une myriade de solutions onéreuses qui fleurissent sur le marché et qui ont le même niveau d’efficacité qu’un placebo.

Ce week-end j’enregistre chez une femme qui m’explique que le problème pour elle ce n’est pas le traitement, c’est l’absence de médecin en qui elle ait suffisamment confiance pour être sûre d’avoir un suivi qualitatif. Elle a compris que c’était de la dentelle, que chaque femme a un dosage et un rythme bien à elle et que si moi à Paris j’ai accès à tous les pontes en deux stations de métro, pour elle en province, le choix n’est pas le même.

Elle pointe du doigt l’accès à la santé et les déserts médicaux, un sujet qui pour la première fois m’apparait de façon bien concrète.

Episode 25

Le plaisir de découvrir que l’on peut toujours parler de nouveaux sujets que l’on n’avait jamais abordés dans les épisodes précédents. Ici le lien très fort d’Anne avec ses soeurs, la vie professionnelle intense qui laisse place à la vie de femme retraitée et tout l’inessentiel dont on se déleste.

Voici le lien vers l’épisode

Anne Bitz entrain de s'éventerAnne Bitz entrain de s'éventer

Merci d’avoir pris le temps de me lire. Un mot ou une réaction de votre part me fera extrêmement plaisir :) Si vous pensez que cette lettre peut intéresser une personne de votre entourage, s’il vous plait, partagez-là !

Vous pouvez aussi retrouver toutes les anciennes éditions sur Kessel

Love

PS : j’ai demandé à Midjourney un désert médical