Ce que tu dis ne t'appartient plus

Voilà comment ça se passe : mon invitée termine une phrase, et ce qu’elle vient de dire m’évoque la relation avec mon père, ou ma mère par exemple. A ce moment là je prends une grande inspiration et je me dis intérieurement : “De toute façon ce n’est pas du live, tu pourras toujours couper au montage.”

La fin des règles
5 min ⋅ 26/10/2023

Bonjour à tous,

Nous sommes désormais 180 dans cette newsletter. Bienvenue aux nouvellements inscrits !

Je vous remercie une nouvelle fois ici, mes plus grands soutiens et mes auditeurs les plus engagés d’avoir donné de la voix pour que le podcast soit largement découvert à l’occasion de Menopause Day. ça a hyper bien marché puisque le podcast a enregistré 2000 écoutes sur la semaine écoulée.

C’est grâce à vous, merci !

Si vous n’avez pas encore pris le temps de le faire, ce qui serait formidable c’est que vous alliez écrire un commentaire sur Apple Podcast (ou sur Spotify) qui représentent à eux deux 60 % des écoutes.

Dans cette édition on parle :

  • de l’exposition du privé dans le podcast

  • de l’interview avec Sarah et de son nouveau livre

  • de nos émotions face au drame en Israël et à Gaza

Il y a une question qui me turlupine depuis le démarrage du podcast, c’est combien je dois dire de moi dans les interviews.

Je donne l'exemple du podcast de Matthieu Stefani où il raconte sa vie dans les moindres détails, ses enfants, ses passions, ses opinions sur chaque sujet, et je l’ai même entendu avec horreur citer une fois la marque de ses caleçons… gênance…

C’est son podcast GDIY qui m’a donné envie de me lancer moi aussi. Et ce qui me l’a rendu éminemment sympathique et touchant c’est qu’il assume toutes ses erreurs au micro. Dans l’un des premiers épisodes que j’ai écouté, c’etait avec Pierre-Antoine Capton je crois, au moment d’aborder le sujet rituel du livre que l’invité recommande aux auditeurs, il dit “Mais qui a écrit “La Comtesse de Ségur” déjà ?”

Et on le voit rester plusieurs secondes buté pour essayer de se rappeler le nom de l’auteur. Matthieu a exactement mon âge, quand j’étais petite les Malheurs de Sophie et autres titres de cette autrice étaient lus par tous les enfants. Si j’avais fait une bourde de cette envergue de confondre le nom d’un auteur avec le nom de ses livres j’aurais coupé au montage. Lui, non.

Je raconte beaucoup de choses assez privées sur moi-même dans ce podcast. Etant donnée la nature des sujets de La fin des Règles, je dirais même que je vais plus loin que lui. Je cherche les raisons et j’en vois plusieurs.

La première et que j’explique si on me parle technique d’interview, c’est que c’est ma manière d’aller chercher mes invitées. Avec l’idée qu’elles vont embrayer sur mon témoignage, et que je vais les amener un cran plus loin.

La seconde c’est que les auditeurs s’attachent à un podcast d’abord pour la personnalité de l’hôte. Pour qu’on s’attache à moi, il faut que je sois très présente, que je fasse glisser le format de l’interview à la discussion.

La vraie raison est que ce podcast est d’abord un chemin de transformation pour moi-même, un moyen de prendre la parole mais d’une façon détournée, pour me libérer de ce que je ne dis pas.

Une sorte de journal intime qui resterait comme ouvert. Pour être lu.

Voilà comment ça se passe : mon invitée termine une phrase, et ce qu’elle vient de dire m’évoque la relation avec mon père, ou ma mère par exemple. A ce moment là je prends une grande inspiration et je me dis intérieurement : “De toute façon ce n’est pas du live, tu pourras toujours couper au montage.”

Personne encore de ma famille n’est venu me confronter à une discussion tenue dans le podcast mais quand même, la question intérieure est toujours la même : je me dis à chaque fois, qu’est-ce que ma mère va penser quand elle va entendre ça ?

Je sais que mes invitées ressentent la même chose tellement elles se livrent, et toutes sont libres de revenir sur leurs propos au moment du montage. Certaines demandent à réécouter, la plupart non. Et même alors qu’elles sont à l’aise avec ce qu’elles ont dit, certaines n’ont pas voulu partager l’épisode avec leur communauté.

Quand j’ai sorti l’épisode avec Virginie Lesdemia, épisode #5, il y a plusieurs mois, comme elle ne voulait pas que sa fille tombe dessus, elle n’a pas fait la promotion de l’épisode sur son insta.

Elle m’a rappelé cette fois-ci pour me dire que, malgré cette précaution, ce sont ses élèves qui étaient tombés sur l’épisode. J’ai donc retiré les 5 minutes un peu trop privées qui lui posaient vraiment problème.

Et je réalise qu’au lieu de continuer de me soucier de ce qu’en pense ma mère, je devrais commencer à m’inquiéter de ce que pourraient entendre mes enfants.

Un ami de mon fils qui a 12 ans, et qui est en vacances avec nous, m’a cité les noms de mes deux podcasts, alors que ça ne s’insérait dans aucune conversation. Il me regarde et me dit : “La fin des règles, c’est bien ça ? Et Journal Ultime ?” ça m’a mise très mal à l’aise.

J’ai pensé aux solutions, et en fait il n’en existe qu’une seule : passer tous les épisodes en “explicit” et espérer que ce soit bloqué par les applis de contrôle parental.

Tout cela interroge de façon très banale l’exposition que l’on fait de soi-même sur les réseaux sociaux.

Mon mantra, la phrase que je me répète, est le suivant “Ce que je dis ne m’appartient plus.” Et vous, comment gérez-vous la parole publique ? Quelles sont vos limites ? ça m’intéresse !


Déjà culte

L’épisode #22 est avec Sarah Hirschmuller. Sarah a 48 ans, elle est écrivain et se destine à être psychothérapeute. Dans le passé elle a été chanteuse et traductrice d’oeuvres théâtrales. Je la connais depuis 20 ans environ, et on se croise en pointillés. L’opportunité de l’enregistrement s’est faite suite à la publication d’un nouveau livre de Sarah : l’énigme de ma vie, issu d’une conversation avec Luc Bigé, philosophe.

En l’écoutant, je l’ai énormément enviée. Ce podcast est né du désir d’explorer ce qui me reste à vivre, avec en sous-jacent l’angoisse de ce que je ne pourrai plus vivre. Et je suis tombée sur une Sarah qui me parle de complétude, d’un sentiment d’avoir tout vécu de l’amour,

Je suis assez inquiète de la façon dont cet épisode va être accueilli car il y est très peu question de symptômes de la ménopause et c’est justement cela que mes nouvelles auditrices amenées par le bouche à oreille sont venues chercher.

Mais il creuse profondément dans le mystère de la vie, les secrets de famille, le fait de vieillir.

L’épisode est encore plus long que les autres, 1 heure 20 minutes mais sur une conversation qui a duré deux heures, je n’ai pas eu le courage de couper plus.

Le livre de SarahLe livre de Sarah

Voici la 4e de couv :

En cette époque difficile où nous mesurons l'impuissance de nos réponses collectives aux enjeux du temps présent, le moment semble venu de réinterroger en profondeur notre rapport au vivant. Et si cela commençait par le fait, pour chacun d'entre nous, de découvrir – ou peut-être de reconnaître – sa propre vie comme énigme ?
L'Énigme de ma vie est un petit livre de sagesse simple, actuel, sans maître ni dogme. Il prend acte des limites du développement personnel et interroge la possibilité d'un développement impersonnel....

Pour écouter le podcast c’est ici

Spoiler : cet épisode pourrait vite devenir le plus écouté, les premiers retours m’ont transportée !


Une newsletter qui m’a fait du bien

Je vous partage une newsletter que j’adore lire, c’est celle de Benoit Raphaël (20 000 abonnés). Dans l’édition de dimanche dernier, il aborde la situation Israël / Hamas. Personne n’a envie d’en parler alors je le remercie de l’avoir fait. Et il reconnait que pour lui-même cela n’a pas été un chemin facile puisqu’il a intitulé son mail “Je ne devais pas écrire cette lettre”.

Dans cette lettre il convoque Boris Cyrulnik et le stoïcisme pour nous dire que l’approche pour/contre est un piège pour l’esprit. Il nous invite à venir écouter nos émotions, à reconnaître nos biais cognitifs. Et il nous encourage à ne pas repousser le sujet en bloc au motif qu’il serait trop “complexe”.

Ensuite il nous aide à nous détourner de la soupe des chaines d’info pour aller chercher des sources plus riches et plus diverses.

Pour la lire en entier c’est ici


Un livre qui m’a fait du bien

Si vous n’avez jamais eu entre les mains cet Ovni littéraire qu’est Apeirogon je vous invite à vous plonger dedans, pour ma part je l’ai lu il y a tout juste un an. Le livre met en scène le dialogue entre deux hommes, l’un palestinien, l’autre israélien, qui ont chacun perdu une fille dans un attentat et lancent leur propre dialogue pour la paix. Résumé comme cela ça ne donne pas tant envie que ça, on imagine déjà les bonnes paroles, la douleur racontée, on a peut-être le sentiment de l’avoir déjà lu avant de l’avoir ouvert. Il n’en est rien.

Apeirogon de Colum Mc Cann

Merci d’avoir pris le temps de me lire. Un mot ou une réaction de votre part me fera extrêmement plaisir :) Si vous pensez que cette lettre peut intéresser une personne de votre entourage, s’il vous plait, partagez-là !

Love

PS : voici l’image générée par Midjourney sur la base du titre de la newsletter, j’aime bien cet immense bouquet derrière la fille qui semble grandir quand elle s’éloigne

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La fin des règles

Par Aude Hayot

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