Que vais-je faire de mes rides ?
Bonjour et bienvenue,
Cette semaine la sortie du nouveau roman de Sophie Fontanel me donne l’occasion de parler des rides.
Il y a une page que j’aimerais recopier ici, il s’agit de la page 37. Pour présenter brièvement Sophie Fontanel, c’est une icone de la réflexion sur la mode, elle est journaliste, romancière, a notamment travaillé à Elle, elle a aujourd’hui 61 ans et a arrêté de se teindre les cheveux pour les garder longs et blancs.
Dans le conte qu’est Admirable, la Science a éradiqué les rides : plus personnes n’en a (je cite la jaquette). Sauf une, Admira, la dernière femme ridée sur Terre.
Page 37 donc, l’héroïne raconte une réception à Londres :
“Il avait une compagne et je parlais avec elle. Nous étions les deux seules femmes ridées de la soirée. J’étais beaucoup plus jeune alors, mais enfin j’avais déjà des rides. Et la femme aussi. J’avais dit : “On n’est même pas certaines que cela plaise aux hommes, tous ces visages refaits.” La femme avait posé la main sur mon bras : “Vous vous trompez, c’est bien pire que ça. Beaucoup parmi les hommes puissants présents ici préfèrent les femmes refaites aux autres, tout simplement parce qu’elles avouent de la sorte que, pour être désirée, pour approcher un phallus, pour un totem, en quelque sorte, elles peuvent aller jusqu’à ce scarifier. En plus, tout le monde le voit, leur allégeance est publique. Pour les hommes c’est une victoire sur les éléments. La femme objet est leur possession. Et c’est important pour eux car même les hommes omnipotents, et peut-être surtout eux, ont peur de perdre leur puissance."“
Ce passage m’a fascinée et je vous livre ce que j’en ai compris.
Nous sommes à un cocktail, avec des femmes bien habillées accompagnées de leur mari et chacun jauge les autres. Tout le monde a, comprend-on, un certain âge. Nous avons là deux femmes avec leurs rides naturelles entourées de femmes de leur âge mais qui présentent un visage tendu, lisse. Et l’héroïne en les regardant se demande ce que les hommes préfèrent entre elle-même, non retouchée dont le visage affiche du caractère, de la personnalité, du vieillissement aussi, et ce qu’elle voit autour d’elle qui lui semble sans doute joli mais en même temps aussi, insipide, fade, redondant.
L’héroïne se demande donc ce qui est le plus joli, le plus attrayant pour un homme.
Son amie, qui est aussi la maîtresse des lieux, lui répond que la question n’est pas du tout là. Les hommes ne cherchent pas à sortir avec la plus belle femme, ils veulent la femme qui leur prête allégeance. La femme qui renonce à sa liberté, qui se scarifie, se marque comme un tatouage en signe d’appartenance à un homme. Et pas de façon privée, sur une partie non visible de son corps, non, celle qui le fait de façon publique, sur son visage.
Elle continue en expliquant que les hommes en vieillissant, cherchent à conserver leur pouvoir. Et avoir à leur bras une femme qui a accepté cette scarification est la preuve qu’ils ont du pouvoir sur elles.
La chirurgie esthétique ce serait donc le patriarcat en personne. La marque du contrôle des hommes sur le corps des femmes. La beauté ? Hors sujet. Seules les femmes se préoccupent de la beauté, les hommes s’en fichent.
Je pose souvent la question des soins esthétiques à mes invitées : acide hyaluronique, botox, bistouri. Beaucoup d’entre elles m’ont dit sans aucun complexe qu’elles y avaient recours, ou qu’elles y pensaient.
Sylvie Faye dans l’épisode #20 par exemple termine en recommandant avec beaucoup d’humour à ses amies plus jeunes qui y pensent de le faire sans attendre. “Parce que pour moi cela semblait représenter un tel chantier…” dit-elle laissant comprendre qu’elle-même a trop attendu.
Fernanda Pinto épisode #21 m’a racontée en marge de l’interview qu’un copain venait de lui dire qu’elle avait une mine rayonnante, et qu’elle lui avait répondu : “Mais botox mon cher ami !”
Sylvie et Fernanda sont des femmes qui, côté liberté, s’en sortent plutôt très bien. Si la liberté est un 10 sur 10, un idéal à atteindre, elles sont déjà à 9 sur 10.
Ce que je ressens c’est qu’il y a eu un changement dans les mentalités autour de la pratique du lifting. Avant c’était mal, c’était le signe qu’on était mal dans sa peau, qu’on n’assumait pas qui on était. Des femmes à plaindre.
Aujourd’hui c’est l’inverse : c’est la preuve que l’on se permet tout avec son corps, que l’on n’a pas de tabous, que l’on joue avec son image, que l’on s’en est suffisamment détachée pour oser le faire. Celles qui le font sont celles qui n’ont aucun complexe, juste du plaisir. Je pense à Virginie Florin, influenceuse qui tient le compte insta A ton âge quand même. Ce compte est né avec la narration en images jour par jour de son opération de chirurgie esthétique.
La vérité c’est que si c’était indétectable personne ne se poserait la question 2 minutes, parce que le vieillissement est inacceptable, au sens premier du terme, impossible à accepter.
C’est justement ce que Sophie Fontanel fait dire à un autre personnage, toujours page 37, une amie photographe cette fois :
Une amie photographe m’interdisait de me moquer de toutes ces femmes refaites. Elle disait que se moquer d’elles, cela revenait à se moquer de quelqu’un qui a un oeil de verre. Et que c’était ne rien voir de la faiblesse, du désarroi, de la naïveté. Et en plus, elle était futée, elle disait : “Là, le résultat est raté. Mais attends que ça marche vraiment. Que, par une pulvérisation, on retrouve une peau de bébé, sans devoir supporter l’affront de montrer au monde ce qu’on a fait. Et tu verras, bien sûr que toutes et tous on plongera.”
Je fais maintenant un détour par la jeune génération. Deux journalistes ont écrit un livre pour expliquer que les plus grandes consommatrices de retouche sont devenues les 18-34 ans. La retouche auourd’hui n’appartient plus aux femmes ménopausées, c’est un outil qui te permet de choisir, à tout âge, ce à quoi tu veux ressembler. Pas dans l’idée de tricher avec ce qu’on est mais de ressembler enfin à qui on est vraiment.
Je dis ça mais je n’y crois, comme vous, pas une seconde, puisqu’au final, on se calque toutes sur le même modèle.
Et cette uniformisation va plus loin que je ne l’imaginais. Pour le tournage de la Vie d’Adèle, ont été utilisées des prothèses pour que les actrices ne dévoilent pas leur intimité et ne soient pas en contact avec le corps de leur partenaire dans les scènes de sexe. Ces prothèses protègent les acteurs mais dans le même temps elles uniformisent l’apparence des organes génitaux.
Tous faits selon le même modèle, je vous disais.
Si les jeunes femmes se sont emparées de la retouche et l’ont banalisée, il y a de fortes chances que cette génération éradique les signes de l’âge dès qu’ils se présenteront. Maintenant même les hommes s’y mettent : ils ne veulent plus être chauves.
Qui pense ici que demain nous serons une population à la peau lisse et au crâne chevelu ?
Sophie Fontanel a écrit ce conte pour clamer que l’on manque de modèles de femmes ridées qui nous aideraient à vieillir comme elles. Alors clairement le modèle c’est elle avec ses 300 K followers sur insta.
On va sans doute vers un monde où ce sera plus dur de garder ses rides que de les retirer.
Episode #21 avec Fernanda Pinto - “Je n’ai pas le sens du sacrifice”
Cette semaine, j’ai reçu Fernanda Pinto. Imaginez une femme élancée avec une coupe blonde à la garçonne qui se sert de sa voix comme d'un instrument. Elle donne l'impression d'être en permanence dans la blague et la séduction et pourtant on est très vite entrées dans les sujets. On a parlé de son ado de fille, de son futur métier de coach divorce, de ses expatriations au gré de la carrière de son mari - “Je n’ai pas le sens du sacrifice”, m’a-t-elle dit - Fernanda en est même venue à lui réclamer un salaire de substitution !
Fernanda Pinto
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