La fin des règles

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Par Aude Hayot
17 déc. · 3 mn à lire
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Rien de léger

Ma lecture de Triste Tigre de Neige Sinno

Bonjour à tous,

Aujourd’hui je vous parle de ma lecture de Triste Tigre et du nouvel épisode avec Dr Brigitte Letombe.

Avant je pensais que les violences sexuelles étaient un accident. Quelque chose de très rare, qui arrive surtout dans les familles défavorisées. Quelque chose qui ne pourra jamais arriver à mes enfants. Et puis aussi quelque chose dont on se remet.

Triste Tigre, de Neige Sinno, c’est l’histoire de l’inceste que l’autrice a subi et c’est le livre le plus puissant que j’aie lu sur le sujet.

Il y a 3 ans j’ai lu Le Consentement et j’avais commencé à me questionner sur les mécanismes d’emprise que j’avais moi-même vécus à l’adolescence. Il y a deux ans j’ai lu La Familia Grande et j’ai découvert que l’ont pouvait être intelligent et cultivé et violer son beau-fils adolescent. Avant cela il y avait eu Angot.

Et je commence à me demander ce que je dois faire pour protéger ma fille.

J’ai déjà croisé des pédophiles dans ma vie, deux. Je vous rassure tout de suite, il ne m’est rien arrivé à moi. C’est juste pour dire que j’ai eu des conversations, d’ailleurs très sympas, avec eux et qu’ils n’avaient rien d’effrayant, au contraire. Le premier a crushé sur moi quand j’avais 15 ans (j’en faisais 11) et quand j’ai eu 17 ans je ne l’intéressais plus.

Je donne les chiffres : 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, soit un enfant toutes les trois minutes. Au total, une personne sur 10 a été victime de violences sexuelles dans son enfance, soit 5,4 millions d'adultes.

En refermant ce livre, j’ai du mal à sortir de ma sidération. De façon très pragmatique je comprends que je n’ai pas les moyens de protéger mes enfants car lorsque cela arrive, cela provient de personnes en qui on a confiance. Je n’ai pas du tout envie de détailler ici les histoires auxquelles j’ai été confrontée dans mon entourage mais il me fallait la lecture de ce livre pour comprendre qu‘il est illusoire de vouloir s’en protéger. Et en l’écrivant je suis dans le déni total de ce que cela implique. C’est du pur raisonnement cérébral.

Que faire alors ? Au moment où je me posais cette question, Neige Sinno est arrivée avec la réponse :

On ne peut pas simplement enseigner à un enfant comment dire non à un agresseur, que son corps est à lui, que personne n’a le droit d’y toucher. C’est ce que font en général les programmes de prévention des violences sexuelles mais c’est comme enseigner le consentement à quelqu’un qui n’a pas les moyens de consentir ou de ne pas consentir.

Je me suis toujours sentie une mauvaise mère de n’être pas capable de répéter ce message matin, midi et soir à ma fille et je réalise que probablement je le trouve vain.

Neige Sinno continue et relate un échange avec sa fille :
“Je lui ai dit que je serais toujours à l’écoute au cas où ça arriverait, et que si elle était victime ou témoin de quelque chose comme ça elle ne pourrait pas se défendre toute seule”

Je comprends que le message est là, dans le fait de prévenir qu’on sera présent pour accueillir toute parole. ça m'a mère l’a fait avec moi. Il faut que je le créé avec mes enfants.

Protéger mes enfants c’est tout autant me protéger moi comme le fait comprendre l’autrice un peu plus loin :

Je sais aujourd’hui qu’il existe bien des expériences pires que celle que j’ai vécue. Sans même aller chercher très loin, ce qui est arrivé à ma mère est peut-être ce qui peut arriver de pire. Pire que tout ce qu’on peut imaginer. Le viol, la torture répétée, pendant des années, de la fillette que vous avez amenée à la vie.

Ma sidération en refermant le livre vient aussi de ce que chez Neige Sinno, je ne vois pas de résilience. Elle est fucked up, à vie, bien qu’elle ne soit ni prostituée ni maltraitante. Elle décrit chez elle, disons, une impossibilité de l’innocence.

Moi j’avais foi en le dieu résilience de Boris Cyrulnik et en lisant ce texte je comprends que je n’avais certainement rien compris à ce concept. Je croyais que la résilience nettoyait tout, que Neige Sinno avait vécu un passé traumatique, quelque chose, donc, qui se tient dans le passé et que pour le reste elle était comme moi.

Au lieu de cela, on lit en 4e de couverture :

“J’ai voulu y croire. J’ai voulu rêver que le royaume de la littérature m’accueillerait comme n’importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l’art, on ne peut pas sortir vainqueur de l’abjection. La littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.”

Neige Sinno en septembre 2023Neige Sinno en septembre 2023

Je vous laisse me dire si vous avez pensé de Triste Tigre si jamais vous l’avez déjà lu et sinon, si vous pensez le lire.

Episode 27 - Dr Brigitte Letombe

J’avais parlé du nouvel épisode dans l’édition précédente de la newsletter. Nos échanges avec la gynécologue Dr Brigitte Letombe sont désormais en ligne.

Il est rare que je fasse des épisodes avec des experts, ça m’intéresse de savoir si vous appécié ce format.

Une amie qui lit cette newsleter m’a fait ce commentaire :

“L’épisode est hyper intéressant, j’ai énormément appris ! En termes d’info, je crois que c’est le plus complet du podcast, il est d’utilité publique !!! J’attendais un épisode de ce genre et n’ai pas été déçue”

Pour l’écouter voici le lien : Episode 27 - Dr Brigitte Letombe - “Les femmes ne doivent pas se laisser perturber par un manque hormonal’

Dr Brigitte LetombeDr Brigitte Letombe

Merci d’avoir pris le temps de me lire. Un mot ou une réaction de votre part me fera extrêmement plaisir :) Si vous pensez que cette lettre peut intéresser une personne de votre entourage, s’il vous plait, partagez-là !

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PS : le prompte à Midjourney : “nothing light”, je voulais dire “rien de léger”

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